DIY

Mes livres, vidéos, installation et projets web sont inspirés de la contre-culture zine et proposent des représentations résistantes par leur contenu, mais aussi par l’économie de moyens dont j’use pour les réaliser et les distribuer. Je trouve, dans la création quotidienne d’objets, un refuge et un esprit de communauté. Le DIY (Do It Yourself), lorsque jumelé à un désir de faire avec les moyens du bord et un esprit contestataire, peut participer singulièrement à l’expression et à l’invention de l’identité.

Comme artiste, user de cette économie de moyens me permet de résister à une certaine image de l’artiste professionnel. Bricoler et produire des objets qui coûtent peu à produire et à distribuer m’offre des possibilités presque infinies de raconter mes histoires multiples et fracturées et, surtout, de les partager gratuitement avec un grand nombre de personnes. Si le langage dominant, celui du récit unifié, ne possède pas le vocabulaire et les structures narratives nécessaires à l’expression des points de vue et expériences vécues par certains groupes sociaux subordonnés, les membres de ces groupes n’ont d’autres choix que de développer des contrediscours pour exprimer avec justesse leurs expériences et celles des membres de leur communauté.

Le dérangement que suscite le tricot en public (dans les salles de cours, les conférences, dans les transports publics) est le reflet du dérangement que peut causer l’expression singulière de soi par des récits déconstruits. Le bavardage provoque le même genre de malaise dans l’espace public puisqu’il s’agit d’un acte de trop dire, s’apparentant au trop montrer. Tricoter en public, comme bavarder, relève de la révélation, mais par le geste.

Ainsi, pour se réapproprier leurs propres récits de soi et échapper aux représentations oppressives des stéréotypes, plusieurs personnes marginalisées ont tenté, par l’art et par l’artisanat, de prendre leur place dans l’arène publique et de retricoter autrement leurs histoires. Comme ces artistes, crafteuses, tricoteuses, j’essaie de tisser autrement le fil de mes histoires, en enchevêtrant archives, petits ouvrages, discussions, caché et révélé.