Comme chercheuse-praticienne, j’adhère à une vision du retour vers les choses elles-mêmes et de la recherche par la multiplicité comme outil, non pas dans un but de précision de la pensée, puisque ma pratique embrasse les incohérences et m’amène toujours vers une densité et une pluralité infinie de facettes des sujets, mais plutôt comme moyen de toucher à ce qui apparaît comme essentiel dans les rapports à soi et aux autres. Cet essentiel est selon moi unilatéralement innommable.
Rejetant l’idée d’un savoir qui serait précis et sans ambiguïté, j’aspire à pratiquer la recherche création comme une méthode scientifique morale, esthétique, métaphorique, transgressive, aux voies et aux voix multiples. Au moment de bricoler les choses ou lors de créations collectives, mon expérience de ce qu’on pourrait nommer «l’essentiel» trouve du sens et des formes lorsque les récits se multiplient en circonscrivant peu à peu les contours de celui-ci.
Praxis et amitié
On attend d’une chercheuse qu’elle soit claire, concise, précise, éloquente, confiante et productive. Tous les jours, je subis l’échec du dire et du prendre de front et pourtant, je parviens à développer une pratique artistique toujours plus gratifiante et stimulante. Être mère d’une enfant exclue des dictats de la performance et de me retrouver du même coup exclue des circuits dominants de l’économie des arts, ne m’a pas menée à une vie moins enrichissante d’un point de vue créatif et intellectuel. Ce bonheur partagé, en marge, avec ma fille, me donne le courage de poursuivre une pratique en accueillant l’échec, l’ambiguïté, la fragmentation et l’ambivalence.